Notre petite entreprise, nous l'avons montée à partir de rien, à la force d'une volonté et d'une naïveté démiurges. Elle nous a déjà fait vivre des moments d'une grande intensité émotionnelle.
Mais rien ne nous préparait à cette guerre invisible, à ce déchaînement d'émotions, de la rage au désespoir, nous obligeant à prendre des décisions à la demi-journée. Dix par jour. A être tiraillées entre continuer, produire, livrer - ou abandonner. Se retrancher. Rendre les armes.
C'est moi, Claire, l'une des deux fondatrices d'Atelier Nubio qui vais tenir le journal. L'objectif est de consigner les étapes, ce qui se passe sur notre 'front', conserver une trace des émotions, des décisions, des lueurs d'espoir - je me permettrai aussi d'écrire si ça ne va pas, si je ne sais pas, si je suis perdue, si on est perdus.
Ecrire, ça (me) fait du bien, et j'espère vous en faire aussi en partageant. J'y relaierai aussi ce que vous nous enverrez via la boîte de <ensemble@ateliernubio.fr> (vous pouvez nous écrire des choses qui vous ont fait du bien - ou vous ferait du bien (on est là pour ça !), vos recettes, vos jolis mots, vos coups de blues aussi. Anything You Want.)
Chaque jour, nous partageons des choses qui nous ont fait du bien, à l'équipe, aux gens qui nous écrivent. Ces conseils résonneront peut-être en vous aujourd'hui, peut-être demain et peut-être pas. La seule chose dont je suis sûre depuis le début de cette crise sanitaire, c'est que chacun réagit différemment, que nos émotions évoluent d'un jour sur l'autre. Ce qui fait du bien un jour n'a aucun impact le lendemain. C'est une construction, une adaptation - tout doit être réinventé.
Les mots du 12, 13, 14, 15 et 16 mars ont été écrits le 17 mars. Les jours suivants sont écrits au jour le jour.
Jeudi 12 mars.
La fin de l'insouciance. Ce jour-là, nous rigolions encore. Nous sommes une petite équipe, on s'entend bien, on se raconte plein de choses, on suit les dates tinder, les wellness snobismes (on est la version parisienne d'un mini-goop, Gwyneth et les palmiers en moins), les fashion faux pas...Pour l'allocution de Macron, j'étais à l'Hôtel Bienvenue avec deux amies. La journée avait été chargée, beaucoup de commandes (on était surprises), un call avec un investisseur...
On a écouté le discours sur un téléphone. Les mots ont mis un moment à se distiller, mêmes s'ils sonnaient aigres, on n'a pas senti le goût tout de suite. Le cerveau en état de choc continue d'agir par automatisme - sourir, blaguer, régler la note, saluer la vendeuse. Au moment de se séparer, on a eu l'impression de se quitter pour longtemps. En rentrant, j'ai discuté de la garde de ma fille Mia avec mon mari et nous avons longtemps débattu, les idées n'étaient pas claires, les solutions ne s'imposaient pas d'elles-mêmes. On s'est couchés en silence.
Vendredi 13 mars.
Les premières actions. On a hésité à faire venir l'équipe 'bureau' ce jour-là, et on l'a fait. On s'est dit qu'on ferait une petite journée, qu'on annoncerait le homeworking, les règles pour continuer à se parler, à manager, qu'on renforcerait le plan de mesure sanitaire (masques, prise de température) et qu'on donnerait les premières guidelines. Les mots de la veille avaient fait leur chemin pendant la nuit, ils avaient ôté l'envie du quotidien, cette petite décharge qui associe du plaisir à un café, un jus, une bonne histoire...
Mes premières pensées ont été économiques, je me suis demandé comment notre petite entreprise allait survivre, et plus largement, comment les écononomies françaises et internationales allaient traverser cette épreuve - sans même espérer une date de fin, une lueur au bout du tunnel ! J'ai compulsé les sites d'informations, comment a fait la Chine, la Corée du sud - l'Italie (déjà en confinement absolu) ? Je ne cessais de penser à 'Dans la forêt' de Jean Hegland, dévoré il y a quelques mois. Il m'avait dérangée, marquée, je n'arrêtais d'y repenser et l'avais prêté et recommandé à beaucoup d'amis. Dans ce livre, à la suite d'une panne électrique, les nouvelles ne sont plus diffusées et dans une ville coupée de toute information, rongée par les épidémies et le vandalisme, deux soeurs survivent dans leur maison isolée. (Ndlr : dites-moi si vous préférez que je vous recommande des livres de wellness, j'ai toute la collection de Gwyneth Paltrow !) J'ai essayé de me détendre en lisant The Engagements de by J. Courtney Sullivan - foncez sur tous ses livres si vous avez la tête à lire en ce moment !
Update Activité Atelier Nubio. Production et eshop en activité. Livraisons assurées dans toute la France .
Samedi 14 mars.
Est-ce que c'est un rêve ? Le samedi matin, j'ai l'habitude d'aller boire un café avec Mia et mon mari à l'hôtel Amour. Ce matin-là, on est restés à la maison, on a fait du porridge, j'ai pris ma dose quotidienne de 'On veut...un bouclier antioxydant' avec du yaourt de coco, j'ai suivi mes rituels du matin (nettoyage du nez au lotta, tongue cleaner, respiration du feu en 'ego eradicator', 52 'frogs', brossage à sec, douche froide). Le fait d'exécuter des gestes, ce rituel 'immuable' m'a fait du bien.
On est restés à la maison toute la journée sauf pour faire des courses. On est sortis un peu hagards en fin d'après-midi, tellement de monde dehors, on n'osait pas nous, on a pris conscience que l'information n'avait pas été reçue partout pareil. Et pourtant, ça nous a fait du bien, de sortir, de voir des gens. C'est fou comme à l'intérieur, on gamberge, le cauchemar devient palpable, on vit nos pensées. Et pourtant, à l'heure où j'écris (le 17 mars), nous sommes tous confinés et le fait de sortir voir la vie 'normale' n'est plus une option.
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Dimanche 15 mars.
Tout le monde ne gère pas la situation de la même façon. Nous ne sommes pas allés voté. On avait peur de sortir. Ce jour-là, je l'ai passé collée aux sites d'informations. J'ai dit au revoir à ma mère qui est rentrée en Bretagne. Je n'arrivais pas à prendre de décisions ce jour-là, je n'arrivais pas à poser mon attention sur autre chose que lemonde.fr.
Mes pensées tournaient en boucle concernant Atelier Nubio. Poursuivre, mettre en pause, arrêter tout, partiellement. Les commandes sur le site affluaient, pour des jus, du miel de manuka, tous ces produits hautement nutritifs pour booster l'immunité. Nous avons décidé de maintenir l'activité, en renforçant le plan de mesure sanitaire (PMS), notamment avec le port de masque, désinfection du labo matin et soir, désinfection des téléphones, prise de température de l'équipe toutes les deux heures. Et la mise en place de la livraison sans contact par notre super équipe de coursiers Philippe et Alessandro.
On a pris la voiture en fin d'après-midi et on a traversé Paris, les gens prenaient le soleil, en petit groupe, ils couraient, se prenaient en photo. Je me suis dit 'mais ce n'est pas si grave alors ?', je crois qu'en moi-même je savais que si, c'était grave, et que oui, c'était de l'inconscience totale.
Ce jour-là, j'ai pris aussi conscience que tout le monde n'accueillait pas la situation de la même manière. Que la façon dont les autres la géraient pouvait me faire mal, me choquer, m'indigner même. Qu'il n'était pas de mon ressort de juger si les gens géraient comme il faut ou pas. Y a-t-il une 'bonne' attitude à adopter dans des situations de crise, de guerre ? Prendre du recul, garder la tête froide, s'organiser, mettre des priorités. Oui, c'est sans doute ce qu'il faut faire. On a le droit de craquer aussi, de pleurer. De ne pas être capable 'aujourd'hui', tout de suite, on le sera demain. Ou après demain.
Ne pas se juger, de n'avoir rien fait, de ne pas avoir bâti de planning militaire pour la famille, de ne pas s'être rué faire du stock, de ne pas trouver du positif dans tout cela. Essayer de ne pas juger les autres pour ce qu'ils disent, font, ne font pas. Certaines personnes se révèlent dans des situations de guerre. En temps 'normal' leur personnalité n'est pas adaptée, en tant de guerre, elle peut l'être car la normalité n'est plus de rigueur. On a besoin de tous s'adapter - et oui, on peut trouver son talent dans cette situation.
Ce qui m'a fait du bien ce jour-là : appeler ma mère et mes amis. Garder le contact. Entendre des voix. Pleurer. Commencer à écrire, à noter mentalement des choses. Chercher en quoi on peut être utile. C'est une quête. La réponse n'est pas immédiate.
Update Activité Atelier Nubio : production et eshop en activité. Livraisons assurées dans toute la France. Plan de mesure sanitaire renforcé (masques, prise de température) et livraisons sans contact mise en place
Lundi 16 mars.
L'absence de repères. Quand on est chef d'entreprise, on prend des décisions tout le temps. En temps normal, cette responsabilité, partagée avec mon associée Gabrielle, je l'embrasse. J'assume les erreurs, je ressens de la fierté pour les succès. C'est un métier qui est fait pour nous, pour Gabrielle, pour moi. Ce jour-là, c'était très dur.
Prendre des décisions sans repères, sans historique, sans précédent (quelles directives suivre ? combien de temps durera la crise ? Doit-on préserver l'activité, ce qui veut dire demander à des gens de travailler - pour faire les produits, préparer les colis, les transporter ? Peut-on demander à notre équipe de production de venir travailler ?) On ne peut demander conseil à personne, car personne n'a vécu la situation, personne ne connait l'issue de la crise, personne ne porte notre responsabilité, vis à vis des clients, vis à vis des salariés, vis à de l'activité. Nous avons décidé de poursuivre l'activité. L'afflux de commandes nous a à la fois donné du courage (on ne peut pas décevoir, les clients comptent sur nous, nos produits vont leur faire du bien), et fait porter une responsabilité plus grande à l'équipe de production.
Atelier Nubio réalise la très grande majorité de son chiffre d'affaires en ligne sur son propre site Internet. Une chance, certes. Les produits les plus commandés ces derniers jours sont les jus frais et fragiles, qui ne peuvent souffrir des livraisons approximatives. Ce soir, après une journée de production géante, Chronofresh n'est pas passé. Quelle panique. Tout ce travail pour rien. Gabrielle a réussi à faire partir les colis en passant des dizaines d'appels. Beaucoup de livreurs manquent aussi chez Chronofresh, la pression est très fortes pour ceux qui travaillent. Certains secteurs sont mis à contribution pendant cette crise sanitaire, et les transporteurs sont ultra-sollicités.
Je m'étais interdit de regarder la photo de Vittorio Gregotti, l'architecte milanais décédé à 92 ans du COVID-19. Je l'ai regardée et j'ai fondu en larmes. Sur sa fiche wikipédia, on le voit en chemise de lin, cravate large, sourire esquissé, il parle avec les mains. Je me suis imaginé sa voix, sa langue chantante, son charme, son génie. Ciao Vittorio. J'espère que ses proches ont pu lui dire au revoir.
Ce qui m'a fait du bien ce jour-là : voir les visages de l'équipe sur le hangout. commencer à écrire le journal de bord. Sortir à la nuit tombante marcher un peu. Le sourire de ma fille qui redouble de facéties. Boire des infusions de plantes entières (j'aime celles de BenSoussan si vous habitez dans le Finistère et celles d'Anais Kerhoas).
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12 musées proposent des visites virtuelles de leurs collections.
L'opéra de Paris propose 7 beaux spectacles à regarder gratuitement depuis chez soi.
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Mardi 17 mars.
Alléger la pression. Ce matin, je ne me suis pas réveillée du cauchemar de la veille. La responsabilité de l'entreprise, des salariés, des clients et la vie qui continue (les enfants nous le rappellent) me cueillent de plein fouet dès 7 h. C'est un peu dur d'entendre les impératifs scandés - mon biberon ! Mon petit déjeuner ! Je veux ci, je veux ça. Mais a-t-on le droit de les priver de cette insouciance propre à l'enfance ? On explique à Mia. Elle a 3 ans et demi. Cette expérience va la faire grandir en accéléré, c'est certain.
L'allocution de la veille associée aux difficultés de logistique et l'absence de deux membres de l'équipe de production nous ont aidées à prendre des décisions fondamentales. Nous avons pris la décision d'arrêter la livraison de produits frais hors Paris (les livraisons des produits non frais sont maintenues dans toute la France). Nous poursuivons la production et les livraisons de tous les produits à Paris. Nous reprendrons peut-être la livraison des bone broths hors Paris au vu de la très forte demande et de leurs bienfaits sur l'immunité. Nous vous tiendrons informés. C'était encore une très grosse journée en production, la dernière de cette ampleur au vu des décisions que nous avons prises concernant les jus. Les colis sont bien partis avec Chronofresh ! Hurrah.
Ce qui m'a fait du bien aujourd'hui : prendre des décisions en vue de limiter notre dépendance à Chronofresh, sous pression. Alléger la pression sur l'équipe de production. L'espoir d'un vaccin, qui mettrait une fin définitive à l'épidémie. Appeler mes amies. J'ai aussi répondu à des questions pour Prescription Lab avec qui on fait une collab (annonce ce vendredi).
> Tu as sorti un livre sur tes rituels du matin, peux-tu nous en citer 2 particulièrement à propos en cette période de confinement ?
Des nouvelles du front
Nous allons vous écrire chaque jour un petit mot, ça sera notre journal de guerre, celui d'une petite start up wellness au cours d'une crise sanitaire géante. Partie 1 : le choc (12-17 mars)