Se reconnecter au vivant
La fermentation concerne aussi bien les préoccupations contemporaines de l’éco responsabilité, du bien-manger et de l’alimentation durable, que, plus fondamentalement une recherche du goût « authentique » et d’un retour à l’essentiel. Elle prône un engagement pour une alimentation plus vertueuse, une quête de sens et d’intensité gustative, une recherche d’authenticité.
L’aliment se métamorphose en fermentation, de la manière la plus naturelle et la plus juste qui soit, dans toute sa « vérité ». Les saveurs issues de cette transformation sont franches et intenses, avec une profondeur et une complexité étonnante, qui vont au-delà des substrats de départ.
Fermenter est également une pratique qui nous reconnecte avec la terre de laquelle les produits sont issus. Ces manipulations nous incitent à adopter un rythme et une attention qui nous relient aux cycles de la nature: patienter, se soumettre au temps de la maturation, observer les évolutions et transformations du vivant…
La fermentation : nouveau potager urbain
Pour les citadins, cultiver un petit potager en bocaux et entretenir des ferments et levains dans sa cuisine est une occasion de manipuler et d’orchestrer cette matière vivante, tout en préparant en réserve des aliments sains et gourmands, prêts à consommer.
Parce qu’elles font appel à nos cinq sens, les fermentations éveillent et attisent la curiosité, l’inspiration, l’envie. Les couleurs sont intenses, les textures fascinantes, les parfums subtils, les goûts raffinés, complexes et frais. Elles nous invitent à observer et à ressentir le vivant en oeuvre :
Avez-vous déjà écouté le chant des bocaux de légumes en train de fermenter ?
Contemplé les couleurs vives se révéler par l’acidification de la lactofermentation ?
Regardé hypnotiquement les bulles de gaz faire danser les grains de kéfir dans leur jarre ?
Senti les subtils parfums sucrés, floraux et fruités d’une céréale ensemencée par des spores de koji ?
Avez-vous déjà observé la levée impressionnante d’un levain dans son bocal ?
Pétri une pâte ou massé des légumes en leur transmettant ce que les asiatiques appellent le « goût de la main » ?
Avez-vous déjà fait l’expérience olfactive et gustative d’un mycélium de tempeh, aux notes de noix et de champignons frais, qui vous transportent instantanément en sous-bois ?
Manipuler et jouer de ces transformations naturelles du végétal, extraire leur essence, c’est ouvrir un nouveau champ des possibles en termes de création culinaire. Les fermentations ont ce pouvoir magique et fascinant de nous faire découvrir des arômes et parfums qui n’existaient pas dans le produit brut et que nous n'imaginions pas !
La fermentation se présente comme un écosystème qui résonne en profondeur avec celui de la nature, touchant ainsi chacun d’entre nous. Ce caractère universel est manifeste par le fait qu’on la retrouve dans de très nombreuses cultures et de tout temps. C’est qu’elle permet d’établir indéniablement une relation plus vertueuse avec le vivant, de renouer avec ces forces invisibles que les hommes ont utilisées depuis toujours et avec lesquelles ils ont appris à vivre.
Sans doute parce que cette complexité du vivant forme un système harmonieux qui est le reflet de l’incroyable diversité de la vie…
Microbiote et bien-être
Parce qu’elles nourrissent activement la flore intestinale, les bactéries bienfaisantes des aliments fermentés participent à l’équilibre général de l’organisme. Depuis la sensation immédiate dans le palais d’une agréable acidité, puis d’une digestion légère et facilitée, jusqu’au mieux-être plus profond ressenti à plus long terme.
Plus encore, la consommation quotidienne de ces nourritures vivantes installe un cercle vertueux : les bonnes bactéries réclament leur nourriture et modifient nos appétences qui s’orientent alors vers les produits fermentés.
La charge glycémique étant abaissée, le sentiment de satiété perdure plus longtemps et les fringales de sucre disparaissent.
Les fermentations agissent comme une prédigestion des macronutriments, les transformant en acides lactiques, acides gras et acides aminés beaucoup mieux assimilables par l’organisme et tendent ainsi à rétablir l’équilibre acido-basique de l’organisme.
Elles agissent sur la régulation du transit et favorisent un ventre plus détendu.
Les lacto-fermentations végétales peuvent aussi jouer un rôle détoxifiant sur le corps dont les effets sont visibles avec une peau plus nette et un teint éclairci.
Ainsi mieux nourri, le besoin de manger en trop grande quantité diminue, ce qui permet un rééquilibrage alimentaire de manière naturelle, sans frustration et à l’écoute des vraies envies et besoins du corps.
Une digestion allégée et facilitée veut dire beaucoup plus d’énergie disponible pour œuvrer, et ceci dès la fin des repas.
Un mental apaisé
Un ventre équilibré favorise des idées claires et une meilleure humeur, à l’image des nombreuses connexions synaptiques qui transitent du colon vers le cerveau.
En effet, un nouveau champ de la recherche autour du microbiote étudie les liens entre alimentation et santé mentale. Nous savons aujourd’hui que certaines bactéries peuvent jouer le rôle de psychobiotiques.
La diversité microbienne serait le vecteur de l’équilibre et de la stabilité qui règnent dans l’écosystème de l’organisme. Soutenir une communauté microbienne saine et diversifiée, avec la fermentation, est ainsi sans doute une des clés dans la recherche d’un mieux-être au quotidien.
LEXIQUE
* Lactofermentation
La lacto-fermentation, qui possède des règles précises, est un processus naturel spontané ou activé par des ferments. Des micro-organismes: bactéries (de type lactobacilles naturellement présentes dans les aliments), enzymes et levures transforment les macro-nutriments pour produire entre autres de l’acide lactique.
C’est cette chimie qui est à l’origine de la saveur acide. C’est aussi ce qui permet la conservation des aliments dans le temps, créant un milieu hostile au développement des bactéries pathogènes et agissant comme une acidification du milieu.
* Kéfir de fruits
Il s’agit d’une communauté symbiotique de grains composés principalement de bactéries lactiques et d’une plus petite proportion de levures (SCOBY= Culture Symbiotique de Levures et de Bactéries)
C’est un activateur polyvalent que l’on peut employer pour fermenter tout liquide riche en glucose, traditionnellement à partir d’une eau sucrée, citronnée, additionnée d’un fruit sec.
* Koji
Le koji est un ferment issu de la “moisissure” de plusieurs ascomycètes (champignons) du genre Aspergillus. Il se développe sur un substrat traditionnellement céréalier pour produire un ferment puissant utilisé pour produire du miso, des sauces aminées (type sauce soja), du saké ou de l’amazaké (fermentation enzymatique qui développe les sucres du substrat fermenté)
* Levain
Un levain est une population microbienne, une structure vivante, dynamique, en perpétuelle évolution. Un levain naturel est un écosystème microbien, essentiellement lactique, sélectionné par repiquage et permettant la fermentation de la matière première à laquelle il est ajouté (comme les yaourts, fromages, boissons ou pâtes)
Un levain panaire est un mélange obtenu par une culture symbiotique de bactéries lactiques (lactobacilles) et de levures se développant dans une pâte composée de céréale et d'eau.
* Tempeh
Le tempeh est un pain de mycélium qui se développe autour de légumineuses et/ou de céréales, grâce aux spores de Rhizopus oligosporus. Cette fermentation végétale, d’origine indonésienne, prédigère et améliore nutritionnellement les substrats, en créant des protéines végétales mieux assimilables. Il développe des saveurs de champignons frais, de noix et de sous bois.